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Lettre ouverte intoxication extrême

Le CALACS (centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) de l’Ouest de l’île dénonce la décision prise par la cour suprême du Canada à l’égard de l’utilisation de l’intoxication extrême comme défense en cas de préjudice.  

Le 13 mai 2022, la Cour suprême du Canada a rendu une décision importante qui autorisent les défendeurs criminels dans les affaires d’agression/ d’acte criminel – y compris d’agression sexuelle – à utiliser une défense connue sous le nom d’intoxication extrême auto-induite. Ainsi, les défendeurs qui consomment volontairement des substances intoxicantes et qui interfèrent avec l’intégrité corporelle d’une autre personne peut éviter une condamnation s’ils peuvent prouver qu’ils étaient trop intoxiqués pour contrôler leurs actions.  

Toutefois, cette décision du juge Nicholas Kasirer va à l’encontre de l’article 33.1 du Code criminel. L’intoxication extrême – officiellement connue sous le nom d’automatisme sans aliénation mentale – ne peut être utilisée comme défense dans les affaires criminelles où l’accusé a volontairement ingéré la substance intoxicante. 

Comment c’est détrimental aux victimes de violences sexuelles? 

 De prime à bord, quand on sait que 1 femme sur 3 est victime de violence sexuelle au cours de sa vie, il y a de quoi réagir. Les violences faites aux femmes est un phénomène systémique, constant et banalisé dans notre société ainsi que à travers les médias depuis des décennies. Il y a déjà une hésitation à signaler les actes de violence commis contre les femmes par des hommes pour de nombreuses raisons.  Les craintes incluent : la méfiance, la perception que leur sécurité et anonymat ne sera pas assuré, une expérience négative antérieure en lien avec la Justice, crainte des propos de l’entourage ou acteurs du système de Justice, les conséquences de l’agression sexuelle qu’elle vit en lien avec le pouvoir décisionnel etc. En effet, en autorisant l’utilisation de l’intoxication extrême comme défense, on rajoute un obstacle au signalement des individus victimes de violences commis contre iels.  

Ces raisons comprennent la crainte d’un manque de preuves et la méfiance à l’égard du système juridique, selon les données de Statistique Canada, qui ont également révélé qu’une part importante de la violence masculine à l’égard des femmes est liée à l’alcool. La défense d’intoxication extrême pourrait donc renforcer ces réticences, rendant les victimes de violence encore plus réticent.e.s à se manifester. Plusieurs argumentent que cette défense serait rarement utilisée et acceptée donc ce ne devrait pas être une inquiétude. Par contre, le peu d’attention accordée par les tribunaux et les critiques aux impacts de la défense d’intoxication extrême sur les victimes de violence reflète un manque d’intérêt pour les droits de tout individu ayant vécu des violences sexuelles à l’égalité et à la sécurité de la personne garantis par la Charte.  

De plus, des recherches menées par les professeurs de droit canadiens Elizabeth Sheehy et Isabel Grant montrent que lorsque la défense d’intoxication extrême était disponible avant 1994, elle a été retenue dans 30 % des cas criminels dont 71 % concernaient la violence des hommes envers les femmes. Il est important de noter qu’Ontario n’applique plus l’article 33(1) depuis 2020. Cela signifie que l’intoxication extrême n’est non seulement pas une défense rare, mais qu’elle est aussi souvent acceptée dans les cas de violences fait aux femmes.  L’article 33(1) du code criminel permet de trouver un équilibre entre l’accent mis sur la psychologie des personnes accusées de crimes et les préoccupations relatives au droit des femmes et des enfants à une protection égale de la loi. Donc, lorsque les tribunaux et les critiques rejettent cet article, ils ignorent l’impact de la loi sur l’intoxication extrême sur les femmes et envoient le message que l’état psychologique d’un homme est plus important que la sécurité physique d’une femme. 

 Selon Statistiques Canada, la plus récente enquête sur la victimisation au Canada (2014) a démontré que seule une minorité (1 sur 20) des agressions sexuelles sont signalées à la police (Conroy et Cotter, 2017). En conséquence, les données sur les violences sexuelles rapportées par la police ne sont pas représentatives des cas réels vécus par les survivantes (Statistiques Canada). Considérant que 40% des plaintes d’agression sexuelle ne sont pas retenues par la police. Considérant que seulement 3 agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation, nous nous devons de dénoncer cette prise de décision par la Cour Suprême de Canada.  

Nous demandons à ce que le gouvernement n’applique pas cette loi qui nuit directement à la sécurité des personnes survivantes d’agressions à caractères sexuelles, tel que mentionnés plus haut. Nous demandons à ce que le gouvernement respectent l’expertises des groupes communautaires travaillant avec des survivant.es de violence et qu’il nous écoute et nous croie quand nous disons que cette loi causera plus de bien que de mal sachant qu’il est déjà extrêmement ardu pour les survivant.es d’aller en cours et d’obtenir gain de cause. Pourquoi rajouter un obstacle de plus à un parcours de guérison qui est déjà difficile présentement? Nous considérons qu’une intervention soutenue et constante du gouvernement en cette matière est essentielle pour que l’impunité et la complicité cessent entourant la violence sexuelle. Il faut absolument que les mécanismes de plainte soient adaptés à la réalité des violences sexuelles pour que toutes les victimes puissent compter sur un système judiciaire assurant leurs droits et sécurité. Or, en mettant cette loi en place, c’est tout le contraire qui est fait. Nous espérons fortement que notre gouvernement sera sensible à notre plaidoyer et qu’à la place de tel loi pourra mettre en place et investir dans des services qui viennent en aide à tout.es les survivant.es d’agressions à caractères sexuelles.  

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