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PUBLICATION

Du changement au CALACS de l'Ouest de l'Île!

[Transcript de la publication du 27 juillet 2022] À l’hiver 2022, l’équipe du CALACS de l’Ouest-de-l’Île a pris d’importantes décisions afin de résoudre la disparité entre notre engagement envers le féminisme intersectionnel et certaines de nos pratiques et politiques. Par le présent communiqué, nous souhaitons expliquer les changements qui auront lieu au sein de notre organisme, prendre responsabilité pour les torts que nous avons causés et émettre nos plus sincères excuses aux communautés qui les ont subis.

D’abord, effectif dès maintenant, le CALACS de l’Ouest-de-l’Île modifie sa position concernant le sexe tarifié. Délaissant l’approche abolitionniste, nous adoptons maintenant une position en faveur de la décriminalisation du travail du sexe. Deuxièmement – autrefois exclusivement offerts aux femmes cis et trans – nos services seront ouverts dans les premiers mois de l’année 2023 à toutes les personnes trans, ainsi qu’aux personnes non-binaires et bispirituelles. Comme ces changements ne sont pas en alignement avec le contenu de leur déclaration de principes, nous avons aussi démissionné du Regroupement québécois des Centres d’aides et de luttes contre les Agressions à Caractère Sexuel. Nous ne souhaitons en effet pas être associé.es à un mouvement et des groupes qui ne partagent pas nos valeurs d’inclusion.

Nous tenons avant tout à reconnaître que notre position abolitionniste et la fermeture de nos services aux personnes issues de la diversité de genre ont été sévèrement critiquées par de nombreux.ses acteur.trices au fil des dernières années. Nos nouvelles prises de décisions sont issues du travail acharné qui a déjà été mené par les mouvements des travailleur.euses du sexe et de la communauté 2SLGBTQIA+, dont nous ne prenons aucun crédit. Également, nous sommes consicent-es des efforts investis et des risques pris par plusieurs travailleuses Noires ayant plaidé sans relâche pour un féminisme intersectionnel au sein de notre organisme et d’autres CALACS, tel que Misanka S. Mupesse. Nous sommes profondément reconnaissant.es des efforts qui ont été accomplis jusqu’à aujourd’hui, à partir desquels nous pouvons maintenant apprendre et avancer comme organisation.

Changement de position sur le travail du sexe

En 2005, le RQCALACS et tous les CALACS inscrits dans son regroupement ont adopté officiellement une position abolitionniste concernant le sexe tarifié. Cette position considère le travail du sexe, dans toutes ses manifestations, comme une forme d’agression sexuelle et d’exploitation sexuelle. Celle-ci est toutefois vivement critiquée par le mouvement pour les droits des travailleur.euses du sexe, comme intrinsèquement violente, ne tenant pas compte de l’éventail de réalités du sexe tarifié, stigmatisant ses travailleur.euses et contribuant à créer des conditions de travail dangereuses. Ces enjeux sont d’autant plus accrus pour les travailleur.euses du sexe issu.es de communautés marginalisées, telles que les personnes noires, autochtones et de couleur et celles issues de la communauté 2SLGBTQIA+, particulièrement les personnes trans.

En ce sens, nous délaissons cette position abolitionniste antérieure et nous reconnaissons a causé du tort à la communauté des travailleur.euses du sexe, pour lequel nous tenons à nous excuser sincèrement. Nous nous excusons aux personnes utilisatrices de nos services qui ont été blessées en raison de cette position et de la manière dont elle affectait notre espace et notre intervention, ainsi qu’aux individus n’ayant pas eu accès au soutien dont iels avaient besoin. Nous nous excusons également d’avoir contribué à la stigmatisation des travailleur.euses du sexe en soutenant publiquement une position abolitionniste. 

Notre objectif premier est de lutter contre la violence sexuelle et il est désormais clair que l’abolitionnisme ne sert pas cet objectif, mais contribue plutôt aux obstacles déjà rencontrés par les survivant.es d’agressions sexuelles. Comme l’intersectionnalité fait partie intégrante de notre vision du féminisme, il est maintenant important pour nous d’adopter une nouvelle position afin de nous assurer que toutes les personnes utilisatrices de nos services soient accueillies dans un espace sécuritaire au sein du CALACS de l’Ouest-de-l’Île. C’est pourquoi nous adoptons dès aujourd’hui une position en faveur de la décriminalisation du travail du sexe.

Le mouvement canadien de défense des droits des travailleurs.euses du sexe milite pour la décriminalisation du travail du sexe depuis plus de 30 ans. Celle-ci est définie par Stella, une organisation gérée par et pour les travailleur.euses du sexe, comme « la suppression de toutes les lois pénales qui interdisent la vente, l’achat et la facilitation du travail du sexe.»[1] Elle représente la première étape de la reconnaissance des droits des travailleur.euses du sexe à l’autonomie, à l’égalité, à l’autodétermination et à la dignité. L’acceptation du travail du sexe en tant que travail légitime permettrait notamment à ses praticien.nes d’être protégé.es par le droit du travail, ainsi que par les réglementations en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, d’avoir la possibilité de s’organiser collectivement, de négocier leurs conditions de travail et de travailler dans des environnements sûrs. Ce changement d’approche leur ouvrirait également l’accès au système judiciaire pour dénoncer les discriminations, ainsi que les abus et participerait à la lutte contre leur stigmatisation.

Nous sommes conscient.es que cette transition demande beaucoup plus qu’une simple déclaration et commençons dès maintenant le travail au sein de notre équipe pour s’assurer que cette position sera reflétée dans nos services, nos interventions et nos prises de position publiques, en commençant par des formations de nos travailleur.euses et la refonte de nos politiques, approches d’intervention et documents.  

Ouverture des services aux personnes trans, non-binaires et bispirituelles

Le CALACS de l’Ouest-de-l’Île offrait jusqu’à maintenant ses services seulement aux femmes, qu’elles soient cis ou trans. Nous avons maintenant entamé le travail nécessaire à faire de notre espace et nos services un environnement sécuritaire et inclusif pour toutes les personnes trans, non-binaires et bispirituelles. Nous espérons pouvoir ouvrir nos services en ce sens le plus tôt possible dans l’année 2023.

Nous offrons nos plus sincères excuses aux personnes trans, non-binaires et bispirituelles qui ont été exclues de nos services trop longtemps. Nous tenons également à émettre des excuses spécifiques aux personnes non-binaires, comme nous avons accepté dans les dernières années de servir certaines d’entre elles lorsqu’elles étaient assignées femmes à la naissance, mais pas lorsqu’elles étaient assignées homme à la naissance. Nous comprenons que cela invalide l’identité non-binaire et est révélateur de notre mécompréhension antérieure des identités de genre.

Nous sommes profondément investi.es envers l’approche féministe intersectionnel et nous savons que pour être intersectionnel, le féminisme se doit d’être trans-inclusif. Les femmes, cis et trans, ainsi que les personnes trans, non-binaires et bispirituelles vivent toutes avec les conséquences d’oppression et de marginalisation liées à leur genre, ce qui inclut notamment un risque accru de vivre des violences sexuelles. Le risque de vivre une agression à caractère sexuelle est d’autant plus élevé pour les personnes trans, comme on estime qu’une d’entre elle sur deux en sera victime au cours de leur vie.[2] Pourtant, il n’existe aucun service spécifique à Montréal offert aux personnes trans, non-binaires et bispirituelles ayant vécu des agressions sexuelles, créant ainsi une lacune grave de support pour les survivant.es issues de ce groupe.

Nous nous engageons à réfléchir au pouvoir que nous détenons en tant qu’organisation reconnue, et à prendre des mesures pour adapter nos services afin qu’ils soient aussi inclusifs et intersectionnels que possible À cette fin, nous avons commencé le travail nécessaire, notamment la formation de notre équipe, la réalisation de recherches approfondies et l’embauche de personnes qui font partie des communautés avec lesquelles nous travaillons. Tout au long de ce processus, nous réexaminons également notre documentation, nos politiques et nos services afin d’apporter des changements importants et appropriés qui reflètent fidèlement nos valeurs actuelles. Avec temps et effort, nous espérons rétablir la confiance avec la communauté 2SLGBTQIA+ et pouvoir offrir un support adéquat aux personnes trans, non-binaires et bispirituelles.

Appel à l’action

             Nous reconnaissons que nos positions et pratiques antérieures ont profondément heurté les communautés des travailleur.euses du sexe et des personnes issues de la communauté 2SLGBTQIA+ : nous vous voyons et nous vous présentons nos plus sincères excuses. Nous nous engageons à continuer d’adapter nos services afin que l’inclusion soit non seulement une priorité, mais qu’elle ait aussi l’espace nécessaire pour évoluer. Notre porte est toujours ouverte pour recevoir des commentaires ou des recommandations à cet égard.

Nous espérons également que nos démarches puissent inspirer d’autre CALACS et organismes féministes à emprunter le même chemin. Ce communiqué se veut aussi un appel à l’action : des personnes souffrent du temps que nous prenons à progresser. Nous sommes donc disponibles et prêt.es à partager notre travail, nos connaissances et nos apprentissages au travers de cette transition pour faciliter et accélérer les vôtres.

Avançons ensemble vers un mouvement féministe réellement intersectionnel !

Il est plus que temps.

Solidairement,

L’équipe du CALACS de l’Ouest-de-l’Île

Nous vous invitons à écrire au info@calacsdelouest.ca pour tout renseignement sur notre démission du Regroupement québécois des CALACS ou Noah Benoit pour tout renseignement au sujet des nouvelles positions et pratiques au noahbenoit@calacsdelouest.ca


[1] Chez Stella. The Basics: Decriminalization of Sex Work 101, 2013.

[2] Michel Dorais et Mathieu-Joel Gervais. « Documenter la problématique des violences sexuelles commises envers les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans (LGBT). » (2018).